terça-feira, 5 de maio de 2009

Ali Farka Touré



"Je connais l'esprit qui m'a donné le don et je me souviens de cette nuit à Niafunké (la ville natale de Touré). C'est une nuit que je n'oublierai jamais. J'avais environ treize ans. Cette nuit, je causais avec des amis. Je tenais dans mes mains le jurukelen (une guitare à une corde). Je me promenais tout en jouant des morceaux de musique ordinaire juste pour la forme. Il était environ 2 heures du matin. Je suis arrivé à un lieu où j'ai vu trois jeunes filles arrêtées comme en escaliers, l'une plus grande que l'autre. J'ai soulevé mon pied droit. Mon pied gauche ne pouvait pas bouger. Je me suis arrêté dans cette position jusqu'à 4 heures du matin. Le jour suivant, je suis allé aux bords des champs. Je n'avais pas mon instrument avec moi. J'ai vu un serpent qui portait une marque étrange sur sa tête. Un serpent. Je me rappelle encore sa couleur. Il était noir et blanc . Pas de jaune ni d'autres couleurs, juste du noir et du blanc. Le serpent s'est enroulé autour de ma tête. Je m'en suis débarrassé. Il tomba à terre et entra dans un trou. Je me suis sauvé. C'est à ce moment que j'ai subit des attaques."

"Je suis entré dans un monde nouveau. Il est différent de celui de votre état normal, vous n'êtes plus la même personne. Vous ne sentez plus rien, que ça soit le feu, l'eau où qu'on vous batte. J'ai été ensuite envoyé au village de Hombori pour recevoir des soins pendant une année. Quand j'ai retrouvé ma santé, je suis rentré chez moi en famille. Les esprits m'ont bien accueilli, alors j'ai recommencé à joue de la musique. Je possède tous les esprits. Je suis né parmi eux et j'ai grandi parmi eux."

Le Niger est la plus grande artère fluviale qui traverse le désert du Mali, une pièce d'argent miroitante où la vie semble aller normalement sans changement comme il en a été depuis des siècles. Quand on voyage par bateau pour aller à Niafunké, la ville adoptive de Ali, située au nord du pays, on a l'impression que le temps s'arrête. Les longues et étroites pirogues voguent bas sur l'eau, chargées de filets de pêche, de marchandises et de passagers ; les bateliers frayent leur passage dans les bas-fonds entre les îlots d'arbustes et d'herbes jaunes. De chaque côté, sur un horizon sans fin de sable et de rochers brûlants, de steppe et de terrain broussailleux, s'étend le Sahel. Les cieux bleus et voilés, la terre jaune et rouge, les villages en banco de couleur grise, les rochers noirs parsemés de champs verts, brillants, laborieusement arrosés par les paysans du village. Ali est l'un de ces paysans et c'est cela qui constitue sa couleur musicale.

Le fleuve Niger à sa propre vie. Pendant la saison sèche, il se rétrécit en forme de serpent ondulé entre les vastes bancs de sable qui s'étendent sur un kilomètre ou plus. Pendant la saison des pluies ses eaux placides inondent les plaines, formant des lacs qui peuvent être furieux comme l'océan. Du coup une rivière silencieuse se forme avec des vents mugissants et des orages torrentiels apportant comme par vengeance la pluie tant attendue, couvrant des bancs de sable avec une couche d'herbes émeraude temporaires.

Pour se rendre à Niafunké situé au nord du Mali, le lieu où Ali vit avec sa famille sur ses terres, vous pouvez aller soit par voiture pendant la saison sèche ou par bateau durant de courtes périodes de l'année à partir de Koulikoro à l'est de Bamako. Lors du voyage lent et pénible sous une chaleur accablante, le paysage broussailleux disparaît par intermittence à l'aperçu flou d'un petit village ou d'un grand troupeau d'animaux à l'horizon. Après les pluies le Bateau s'arrête au niveau des jolies villes riveraines de Djenné et Mopti, avance doucement en dépassant les majestueuses mosquées en banco avec leurs tourelles en forme de gâteau de mariage et leur surface crémeuse ; la flottille de pirogues peintes de motifs abstraits rouge, blanc, bleu et vert ; les jeunes filles lavant des habits sur des bancs de sable ; les femmes marchandes vendant de la poterie, des fruits et des légumes ; des pêcheurs apprêtant des filets…L'appel du muezzin à la prière descends le courant à la dérive. C'est un voyage qui prend du temps qu'il faille mettre à profit pour méditer sur la force, la diversité et le rythme naturel de la culture locale dans laquelle la musique de Ali se trouve fortement enracinée.

Lucy Duran

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